LE SECRET DU DOCTEUR FAVRE - PIERRE PETIT.
Le Secret du docteur Favre - Pierre Petit
Sa première visite remontait à la mi-décembre. Il y en avait eu plusieurs autres, étalées sur l'hiver. Il ne l'avait jamais vue arriver. Soudain, au milieu de la matinée, elle était là, prostrée sur une des chaises paillées de la salle d'attente, les coudes sur les genoux, ne parlant à personne. Dans le regard qu'elle portait sur lui chaque fois qu'il venait appeler le patient suivant il y avait de l'espoir et de la crainte, presque de la terreur. Bien mise, elle avait un visage fin au nez droit, aux longs cils bruns recourbés voilant des yeux mauve décoloré. Une bouche pensive, un petit menton arrondi, des cheveux bruns roulant sur les épaules complétaient la physionomie. Sa mise n'était pas celle d'une paysanne mais sont teint, malgré le maquillage, la désignait comme campagnarde. Elle avait un de ces visages qu'on remarque au premier regard et que par la suite on n'oublie pas.
Quant-à son corps, le docteur, qui le soupçonnait conforme à son visage, n'en avait jamais rien su. Lorsque venait le tour de la fille, elle avait disparu de la salle d'attente. Surpris la première fois, il avait pensé qu'elle accompagnait la patiente qui la précédait. Il s'était même étonné de la différence d'allure entre celle-ci et la jeune fille. L'une, robuste paysanne, au teint hâlé, aux membres épais, à la longue robe noire tombant sur des bas de coton gris, l'autre qu'il imaginait fine et déliée... Le contraste était tel qu'il s'était dit que si elles étaient parentes la science génétique avait encore des progrès à faire. Cette hypothèse était tombée d'elle-même à la deuxième visite de la fille ; la patiente précédente était l'économe des soeurs de la Croix, carrée, épaisse et rougeaude, par ailleurs solide comme un roc et qui consultait deux fois l'an pour un ulcère variqueux. Un lien quelconque entre les deux femmes était impensable. A la troisième disparition il n'avait pu se retenir de demander aux autres patients s'ils avaient vu partir la fille. Bien sûr qu'ils l'avaient vue. Quelqu'un la connaissait-il ? Personne ne la connaissait, même si certains pensaient l'avoir vue à Fontbonne. Il y avait eu deux ou trois autres visites de la jeune femme mais le docteur avait pris son parti du mystère et n'avait pas cherché à en savoir plus.
Extrait du roman Le Secret du docteur Favre de Pierre Petit paru aux Presses de la Cité dans la collection Terres de France le 14 octobre 2015.
Estrait tiré de l'un de nos excellents Almanach Des Terres de France, cliquez ICI.
Un roman basé sur des faits réels.
Elise demande le secret. Cas de conscience extrême pour Favre. Doit-il signaler aux gendarmes ce qu'il pense être un infanticide ? Au village de Pierpont, on commence à jaser... La veuve Ribier, elle, avait bien remarqué la grossesse d'Elise. La rumeur enfle, se propage, relayée par de vieilles commères : et si l'enfant était celui du « respectable » docteur qui l'aurait fait disparaître ?
Il est aujourd'hui l'auteur d'une dizaine de romans dont La Folie d'Albert et Le Rêveur et le Brigadier aux Presses de la Cité.
Il participe aussi activement à des revues et à des recueils collectifs de nouvelles.
Grand amateur de littérature – de Hugo à Tolkien – , la plupart de ses oeuvres se déroulent sur le plateau vellave, entre imaginaire et réalité.
Un excellent roman ! Je ne vous en dis pas plus...